18.11.13

To the Unknown Friends. Kaori Tatebayashi's World of Clay


To Ink





























Kaori Tatebayashi grew up in the Japanese village of Arita famous for its Imari ware. As a child, she spent a great deal of time playing in the pottery factory of her relatives. She breathed the atmosphere of ceramics making mesmerized by the work of the craftsmen. I imagine her sitting near the potter's wheel, silent as a cat, unobserved and totally absorbed in the assimilation of all she could sense. Her work is fed by the thousand details of her daily life in South London - a squirrel paying a visit to her Austin roses, her black cat sniffing a stag beetle, a black bird filling his chubby cheecks with grains, baby pigeons playing hide and seek in the dusk. Nature is omnipresent in her work. Creating her pieces of clay is a way for her to encapsulate and to transform the memory of her chidhood landscapes. She explains how the pattern of Kage plate, named after the Japanese word shadow was inspired by the silhouette of a plant. Similarly, the edges of Kumo series resemble mountain ridges. Browsing through the pages of her Tumblr is like being admitted to have a  peek at her sketchbook, to share some of her inner world and harmony power. To me it is an endless source of joy and meditation. It is like tasting the essence of Japanese Spring.   














 Photographs © Kaori Tatebayashi




13.11.13

Palimpsest. Cologne's Sleeping Dream

A Cathie


Les sapins en bonnets pointus
De longues robes revêtus
Comme des astrologues
Saluent leurs frères abattus
Les bateaux qui sur le Rhin voguent  


Guillaume Apollinaire, Les SapinsAlcools














L'or des nuits*



Chaque ville a son rêve qui dort, palimpseste sur lequel s'écrit la mémoire de ses paysages, de ses murs, de ses fleuves, sur lequel l'ombre de ses arbres n'est figée qu'en apparence. La moindre touche peut le mettre en mouvement, le pli de la nuit la plus obscure peut se défaire pour laisser entrevoir tout un monde. Dans cet espace le passé, le présent et le futur ne font qu'un; Isis se confond avec Sainte Ursule, les voix se superposent les unes aux autres pour dire un maintenant qui se gonfle comme une voile au vent. Le regard qui scrute la toile, qui la regarde longuement soudain la voit vivre et s'animer. Le rideau qui dérobait à la vue ce maintenant s'est déchirée. Le portrait de Cologne en Jérusalem céleste si fidèlement dessinée vient transformer le paysage d'aujourd'hui; sur le ciel d'or du tableau les lourds bateaux à voile descendent le Rhin solennellement, les remparts de la cité renferment à nouveau le cercle des vivants, laissant les eaux noires s'éloigner des collines de Bonn et nourrir de leur vapeur céleste la frondaison des arbres au loin. La ville ne sera plus jamais la même, le musée lui a rendu sa mémoire. Elle n'est plus cette entité isolée qui élève ses bretelles d'autoroute et ses piles d'acier et de béton coupée des vieilles montagnes avoisinantes, des sources et des forêts de sapins doctes et savants dont elle aurait perdu la science. Ses hôtels de verre, ses immeubles et ses tours en forme de grues* sur les docks se rappellent ses peintres de la fin du moyen-âge, ses maîtres des légendes et des passions qui avaient leur atelier à un jet de pierre, dans la Schildergasse toute proche et qui ont fait de Cologne un immense centre d'art et de renouveau.

C'est curieux comme en écrivant ce petit texte après la visite de l'exposition, Secrets of the painters au Wallraff Museum, je me suis souvenue du poème d'Apollinaire. Combien de temps, étaient-ils restés là dans l'antichambre de ma mémoire ces sapins rhénans? Savaient-ils de toute éternité ces astrologues en chapeau pointu que j'irai un jour habiter les rives du Rhin? Faut-il qu'à travers leur silhouette disparue sous la neige de l'oubli le passé rejoigne le présent pour dire quelque chose du futur?  



                             *Guillaume Apollinaire, Nuit rhénane















Secrets of the Painters
Cologne in the Middle Ages
Wallraf das Museum
Cologne 

20 9 2013 - 9 2 2014


1, 2, Paysage de Cologne en Jérusalem céleste.
3 Détail Severinskirche.
 Photographs J'attends...






11.11.13

The Slightest Touch. Timpano by Sarah Westphal





Ce point, où une forme vire à l'informe, au chaos lumineux d'un excès de matière, où une forme se défait dans une autre, où le réel se mélange à son fantasme... un point pulsionnel baroque.

Christine Buci-Gluckman*





















Sarah Westphal is a German photographer who lives and works in Berlin and in Ghent. Her work is currently on show at The Wallraf-Richartz Museum in Cologne. With Timpano, she adresses the theme of a "visual fast." Nine large format or multi-parts photographs fill the gap left by important works which have been moved from the medieval section for the major special exhibition Secrets of painters, thus relating to a long tradition of the theme of  concealing and revealing. The title of the exhibition, Timpano evokes a historic genre of "textiles that were hung in front of valuable paintings" to underline their precious character. 

"Space is always present although we do not realize it. As soon as the slightest touch effects a change we can take a fresh look at that space. It is this touch, more than building things that I am interested in. Perhaps you could say that taking a photograph is the slightest touch. By doing as little as directing our gaze we touch things and are touched ourselves." Sarah Westphal 








Sarah Westphal
Timpano
Wallraf das Museum
Cologne

27. 9. 2013- 2. 2. 2014





*Christine Buci-Gluckman, La folie du voir. De l'esthétique Baroque, Editions Galilée, 1986


1, 2 Sarah Westphal, Photographs J'attends...
3 Maître de La légende de Sainte Ursule, L'apparition de l'Ange,(1492-1496), detail, Wallraf-Richartz Museum, Photographs J'attends...



8.11.13

Sweet Sickness. Jean Cocteau's Dream of a Poet


This sickness, to express oneself. What is it?
Jean Cocteau , The Paris Review, 1964











Jean Cocteau photographed by Philippe Halsman



2.11.13

Apesanteur. Les corps délivrés d' Alfonso Vallès


































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Les corps peints par Alfonso Vallès ne reposent pas sur le sol, aucun plafond ne limite leur expansion dans l'espace. Travaillés par les diktats de l'ordre établi, déformés par l'énergie du refoulement, sous ses pinceaux ces corps se libèrent d'une loi  plus forte que toutes celles imposées par la société, la loi universelle de la gravitation. Sa série Hystérie inspirée des photographies prises par le docteur Charcot, de patientes enfermées à l'hôpital de la Salpétrière au début du XXème siècle  montre des corps aliénés par la répression toute puissante du corps médical. Nourri du texte de Georges Didi-Huberman, L'invention de l'hystérie, il interroge inlassablement les corps pour traquer les signes des passions humaines, des émotions, des affects, des traumas. Plus récemment les fresques peintes pour l'Hôtel 14 ou ses peintures sur plexiglas montrent des corps d'aujourd'hui subtilement asservis aux lois de la société de consommation. Ces corps célébrés par la grande tradition de la peinture anatomique ont tous en commun de porter en eux une promesse de libération par le défi lancé aux lois de la pesanteur. 












1, 2, 3,  Photographies Petra Bindel, visite de l'atelier d'Alphonso Vallès
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8  Photographies des peintures d' Alfonso  Vallès sur son blog, L'union différencie





1.11.13

Cadavres exquis. En Sicile avec Leonardo Sciascia et Francesco Rosi

Due cose belle ha il mondo: amore e morte.

Giacomo Leopardi















En Sicile, les morts sont partout présents, sans cesse rappelés aux vivants. Leurs noms placardés sur des affiches sur les murs de la ville, s'envolent en lambeaux de papier. Les rues murmurent leurs noms, se souviennent de leur anniversaire, de leurs amis, de leurs parents. A Palerme, des rites ancestraux et primitifs se sont transmis et perpétués jusqu'à aujourd'hui; le jour de la fête des morts, dans la nuit du premier au deux novembre, les parents offrent des douceurs et des cadeaux aux enfants en leur disant qu'ils ont été apportés par les défunts. On sait à quel point en Sicile la famille est toute puissante. Peut-être est-ce là une manière de renforcer le sentiment de filiation et d'appartenance à une lignée. Aujourd'hui encore on mange des dolci à forme humaine, I Pupa ri zuccaru, petites marionnettes en sucre et la mustazzuola censée représenter les os des morts. 
Même si les morts n'ont plus de voix, n'ont plus de visages, ils continuent de vivre, de penser, de parler en nous et à travers nous. Ils nous frôlent de leur présence invisible et nous envoient des signes transparents. Les morts nous tiennent éveillés à nous-mêmes, nous obligent à prendre nos responsabilités de vivants. Les morts ne sont pas la mort, les morts sont les vivants de l'ombre. L'âme des morts est écrite, calligraphiée dans les livres, elle n'attend aucune résurrection parce qu'elle se sent heureuse de cette vie de chiffon. En lisant à haute voix leurs mots ou en accueillant leur silence, nous faisons passer par notre bouche ce souffle, cette respiration qui est la leur, juste un petit rien dans la bouche, comme un goût de l'autre monde. La fin d'une civilisation ne serait-elle pas de repousser ses morts dans un territoire de l'inexistence, de refuser de les accueillir et de vivre avec eux?


Dans le film de Francesco RosiCadaveri eccelenti, adapté du roman de Leonardo Sciascia, Il contesto, le générique du film s'ouvre sur un long travelling dans les Catacombes des Capucins, la caméra s'attarde sur les visages de morts embaumés et sur la béance effroyable de leur bouche, un puits insondable de mystère ouvert sur la perte du corps.





        








Bruno Caruso, portrait de Leonardo Sciascia
2 Sur les murs de Modica, octobre 2013. Photo J'attends...